mardi 31 mai 2011

Le Paradoxe Raison/Émotion

L'éternel combat de l'émotion contre la raison
Trop de raison dans ce monde
Pas assez d'émotion
Mais l'émotion est dangereuse
La raison, elle, est peureuse
Les gens préfèrent la voie facile
Et arrivés au bout du chemin
Ils regrettent
De ne pas avoir assez osé
De ne pas avoir assez cru en eux-mêmes
Et les regrets
Ce sont les plus grands meurtriers de l'homme
Des tueurs en série
Tueurs de rêves
Tueurs d'espoirs
Tueurs de coeurs
Et tueurs au sens littéral
Les gens ne vont pas tous aussi loin, certes
Mais une fois le coeur mort, je crois que l'homme aussi est mort
Une mort... psychologique ?
Ou spirituelle
C’est comme on le sent
C'est pour ça que je préfère les émotions
Même s'ils font plus mal que la raison
Parce qu'au bout des chemins difficiles, on en sort toujours plus grand

vendredi 20 mai 2011

Asile


Les pensées égarées, les yeux clos, je marche lentement, laissant le bruit de mes pas me guider jusqu’à ma destination. À la manière d’un aveugle, je comptabilise chacun d’eux avec un souci d’exactitude qui frôle la démence. Mille sept cent quatre-vingt dix... Mille sept cent quatre-vingt onze... Mille sept cent quatre-vingt douze. Ça y est, j’y suis. J’ouvre les yeux et constate avec fierté que j’ai, une fois de plus, réussi à la retrouver. Seul digne représentant du soleil en cette nuit sombre et sans astres, le lampadaire qui se trouve de l’autre côté de la rue, unique témoin de ma présence, m’observe stoïquement alors que je m’engouffre dans la pénombre de la ruelle que je souhaitais tant rejoindre.
Cette ruelle. Ma ruelle. Personne n’y vient, sauf moi. Cet entre-deux gratte-ciels est un asile. Mon asile. Son humidité glaciale et sa noirceur d’encre me réconfortent et me soustraient à tous les regards. Aux leurs, aux vôtres. À l’abri des esprits voyeurs, j’y vis. Dans cette ruelle,  heureusement, personne ne peut me trouver ni venir m’embêter. 
Comme toutes les fois où j’y viens, je fais le tour de ma ruelle pour voir, mais surtout pour m’assurer, que rien n’a changé depuis ma dernière venue. Les mêmes ordures y traînent, débordant des poubelles au métal tordu et cabossé. Les mêmes bruits sourds y brisent ponctuellement le silence. Mis à part ceux-ci, je n’y entends que ma respiration et mes pas qui s’étirent et raisonnent en écho dans mon esprit. Les mêmes pierres sont situées à leur endroit respectif, en leur nombre exact et leur orientation est restée celle qui leur est depuis toujours associée. M’arrêtant de marcher, mon inspection des lieux terminée, je constate avec satisfaction que rien n’a changé ni bougé, que personne n’est venu pendant mon absence. Ma ruelle semble être figée dans le temps, jamais altérée, indépendante du monde extérieur.
Le monde extérieur. Au-delà des murs de cette ruelle, ma ruelle, il y a eux, vous. Ça grouille, ça fourmille, ça s’active. S’arrêter ? Non jamais ! Tout doit se passer très vite, trop vite. Et quand je n’arrive plus à suivre ce rythme effréné, cette cadence imposée, ma ruelle est là, toute prête à me recevoir, à m’en préserver. C’est la seule qui arrive à me faire oublier, l’espace d’un moment, cet ailleurs hyperactif. Elle est toujours là à m’attendre, elle me garde une place au frais où je peux enfin relaxer. Respirer. Oublier. Oublier ces obligations étouffantes, ce non-sens accaparant. Y cultiver ma haine envers le monde entier, mais surtout envers mes parents, qui ont été suffisamment égoïstes pour m’y avoir fait naître tout en étant conscients des risques que ça impliquait. La vie me répugne, les hommes aussi. Je préfère de loin ma ruelle, toujours accueillante, toujours calme et paisible. Sa froideur et son obscurité ne m’effraient pas, au contraire. Ce sont deux notions auxquelles le monde extérieur a bien réussi à me préparer. Quand on a si longtemps côtoyé la froideur du coeur des hommes et la noirceur de leurs esprits, une ruelle, la vôtre, ne vous effraie plus. 
Je m'assois par terre, le dos contre un des murs, je fixe l’autre du regard et je fais le vide dans mon esprit. Je suis là pour oublier, après tout. Ma vie n’a pas de sens, il vaut mieux que j’évite d’y penser. Je retrouve enfin la quiétude dans ma tendre solitude. La solitude est un état d’âme et une façon d’être qui me va parfaitement, même si celle-ci comporte son lot de risques.  
Les risques. Une ruelle, la mienne en particulier, comporte bien des risques. D’abord, l’isolement qu’elle procure est si apaisant, que j’y passe désormais le plus clair de mon temps. Rien à faire de mon autre vie. De mon travail ou encore de mes amis. Maintenant, il n’y en a plus que pour ma ruelle. J’ai peu à peu délaissé ce monde trop contraignant, quittant mon emploi (Des questions ? Pas la peine de dire qu’on m’en a posées.) et n’appelant plus mes amis qui ont sûrement fini par m’oublier à force d’appels non retournés. Tant pis pour eux ! Ma ruelle est là, elle. Je m’y réfugie comme un ivrogne au bar avant dix-neuf heures, à la seule différence que ma ruelle, elle, ne ferme jamais. Elle ne ferme jamais, non. C’est pourquoi je compte désormais y rester pour toujours. Ne plus la quitter. Nous resterons seuls dans le noir, loin des regards, elle et moi.
Un dernier coup d’oeil vers la rue me permet d’apprécier encore plus ma quiétude. Soudainement, sans préavis, le lampadaire s’éteint alors que mes inspirations et expirations se font de plus en plus espacées. Plus de lumière? Je n’en ai que faire. Que la noirceur m’avale ! Je m’y sens si bien de toute façon... 
Une ruelle. On en a tous une. Différente et unique. Certaines sont plus larges ou plus étroites, d’autres plus obscures et éclairées, grises ou colorées. Il y a des ruelles secrètes, d’autres découvertes. Il y en a qui sont inhabitées, qu’on a quittées, certaines qu’on a pas encore explorées. D’autres sont habitées, souvent ou plus rarement. Il y en a qui sont surpeuplées, mais là, difficile de s’y retrouver. Nous portons une ruelle en chacun de nous, juste là, dans notre crâne. Entre les deux gratte-ciels de la réalité extérieure qui se dressent de chaque côté de nos têtes, voulant ainsi nous empêcher de penser croche, trop à droite ou trop à gauche. Voulant nous contenir et nous empêcher de vivre ou encore réduire notre imagination et nos espoirs à néant. Mais la mienne est différente. 
Cette ruelle. Ma ruelle. Personne n’y vient, sauf moi. Cet entre-deux gratte-ciels est un asile. Mon asile. Son humidité glaciale et sa noirceur d’encre me réconfortent et me soustraient à tous les regards. Aux leurs, aux vôtres. À l’abri des esprits voyeurs, j’y meurs. Dans cette ruelle,  malheureusement, personne ne pourra plus jamais me trouver ni venir me sauver...