vendredi 16 décembre 2011

Un 104e jour de cauchemar...


J’ai envie de crier du plus fort que je peux pour m’arracher les cordes vocales et défoncer mes poumons. J’ai envie de saigner. De me vider de mon sang par la gorge et souffrir jusqu’à pousser mon dernier souffle. J’ai envie de crier : «JE LE SAVAIS SACRAMENT! J’TE L’AVAIS DIT QU’IL SE PASSERAIT QUELQUE CHOSE DE PAS BIEN QUI NOUS EMPÊCHERAIT D’ÊTRE ENSEMBLE.» Pourquoi la vie nous veut autant de mal? C’est pas comme si on avait pas souffert du tout jusqu’à présent, tu trouves pas? Non. 103 jours, c’était pas assez, fallait bien en rajouter ! Ils sont forts voyons ! Ils peuvent bien en endurer un de plus. Pourquoi faut-il toujours que mes pressentiments s’avèrent exacts? Pourquoi, pour une fois, ça n’a pas pu se passer comme tout était prévu? Mais non, nous, on mérite pas ça. On a pas le droit d’être heureux. Pendant que des centaines de milliers de millions de fucking couples de baladent main dans la main dans la rue et se rendent même pas compte de la chance qu’ils ont d’être tous les deux sur la même rue, dans la même ville, dans le même pays, sur le même continent, nous, on doit attendre et espérer. C’est tout. Et le jour où c’aurait enfin été notre tour d’être heureux, c’est le vent qui vient tout balayer. Une tempête. Le 16 décembre 2011, en France, il y a eu une tempête. Tout le monde s’en fout. Pour certains, c’est un prétexte pour ne pas aller à l’école. Pour d’autres, une simple panne de courant. Pour nous, c’est le bonheur qui est encore reporté. Encore et toujours. Attendre pour être heureux. J’ai l’impression d’être maudite, éternellement condamnée à stagner dans l’attente de ma propre vie. Arrivera-t-elle enfin? Arrivera-t-elle un jour? Non, pour le moment, je ne crois pas. Ça me paraît désormais, plus que jamais, totalement impossible d’avoir LE DROIT et LE PRIVILÈGE d’accéder au bonheur et d’enfin vivre. Un avion qui n’a pas décollé vient de démolir mon petit coeur qui recommençait à peine à croire en la vie. Celle-ci, encore une fois, s’est vengée sur moi, sur nous, pour je ne sais trop quelle raison. Est-elle jalouse, cette salope de vie? Est-elle enragée contre nous? Que nous lui avons-nous fait pour qu’elle ait tant de rancoeur à notre égard? Je ne fais qu’attendre depuis des mois, toute seule dans la nuit, toute seule dans le froid, toute seule contre les assauts répétés de la vie. Et aujourd’hui, elle me porte le coup de grâce. Mon coeur a mal, plus que jamais. J’y croyais, ce matin. J’espérais, ce matin. Ce soir, à 18h, il aurait pu et aurait dû être là. Mais il n’en sera rien. Parce que cette chienne de vie en a décidé autrement. Le vol AF5722 restera cloué au sol. Il ne bougera pas. À 16h10, un autre avion prendra son envol avec, à son bord, une place vacante qui aurait dû être la sienne. À côté ou entre deux inconnus, il y aura un siège libre où il aurait dû s’endormir en attendant l’atterrissage. Ce soir, à l’aéroport de Montréal, plein de gens attendront leurs proches, mais mon amoureux n’arrivera pas. On dirait qu’on vient de m’annoncer sa mort. J’ai envie d’hurler jusqu’à mourir moi aussi. Pour ne pas à vivre cette horrible journée qui aurait dû être celle où nous allions nous retrouver. Je regarde autour de moi et je ne vois rien. Rien d’autre que mes larmes qui me brouillent la vue et m’empêchent de voir au-delà du mal qui me ronge. Ce soir, il aurait pu être ici, mais il ne le sera pas. Et moi non plus, je ne serai pas là. J’errerai dans la lande de mes désillusions en attendant que se termine ce cauchemar de décembre. Vais-je me réveiller bientôt? Suis-je condamnée à rester seule? Dans tous les cas, il semble bien que le cauchemar se prolongera pour une 104e journée... Merci à toi, vie machiavélique et sans pitié.  

mardi 13 décembre 2011

Extase éphémère


Arc-en-ciel de douleur majeure
Sang du beau corbeau maladif
Timidité glaciale qui joue à la corde à danser
Carie des temps anciens

Cacatoès fringuant
Distille la magie des friandises
Du hibou morose
Ancestralement reconnu

Rideau de tempête articulée
Dyade mortellement atteinte
Minuscule pédoncule gastrique
Jubilante fringale oppressée par les moeurs de la vallée dansante

Tablette d'histoire éprouvée
Par la sauterelle égarée
Musique calorique
De la vantardise exclue

Au fond du marécage de l'oubli
Alors que tu regardes l'aurore du soir
Se perdre dans les lambeaux de la chaire de mon sofa dénudé
Moi je dicte les mots

Grandiose ventricule perdu au fond du coffre de la voiture incendiée
Ressemblance indiscrète d'un éléphant à une autruche africaine

Alors que tu griffonnes des idées qui fusent de partout
Comme le fuseau horaire déplacé
Alors que tu passes ton temps à te ronger les sangs
Parce que la témérité des hommes t'empêtre

Qui vit sous la chenille morte?
La torride rivière serpentant au sommet de la bouteille de verre
Où pullulent les étoiles fleuries

Je t'aime
Autant que cette oubliette vide de sens
Que le néant perd parfois
Sans avoir le temps de savoir comment
la soutenir pour éviter qu'elle tombe

Je t'aime
Autant que le vent souffle
au sommet de l'attente désespérée
Autant que l'alouette abandonnée
Qui se suicide au moment de la chute insondable

Abnégation
Tentation
Jubilation
Extase éphémère

La dictature de l'incertitude absolue du monde frileux
Qui sent la pêche
                     enterrée depuis des lustres

Myriam Desjardins, Printemps 2011

Mots de tête



Parce que mes idées s'envolent
Parce qu'elles sont éphémères
Parce que mes souvenirs s'évaporent
Parce que les écrits persévèrent

Et que les maux s'éveillent dans ma tête
Et que les mots s'éveillent dans ma tête

Parce que mon esprit s'embrouille
Parce que mes paroles bafouillent
Parce que mes yeux s'embuent
Parce que mon coeur me tue

Et que les maux grandissent dans ma tête
Et que les mots grandissent dans ma tête

Parce que c'est l'heure du Grand Ménage
Parce qu'il y a, déjà, bien des ravages

Parce que c'est l'heure de crier
Parce qu'il est temps de s'exprimer

Et que les maux courent dans ma tête
Et que les mots courent dans ma tête

Pour que mes idées s'accrochent
Pour qu'elles soient prospères
Pour que mon souvenir perdure
Pour que mes écrits persévèrent

Et les maux s'endorment dans ma tête
Et les mots s'endorment dans ma tête


Myriam Desjardins, Printemps 2011

mercredi 30 novembre 2011

Le soleil, les vagues & le vent



Le plomb du soleil.
Le bruit des vagues.
La caresse du vent.
Ton sourire d'enfant.
Mon regard émerveillé.
Nos rires enjoués.
Quelques baisers volés.
Des caresses envolées.

mercredi 26 octobre 2011

La vérité sur les arcs-en-ciel

«Les arcs-en-ciel sont des mirages. Une réfraction de la lumière qui nous fait croire qu'ils existent alors qu'il n'en est rien.» 

-Dexter Morgan

mercredi 12 octobre 2011

I Want to Hold Your Hand

Sur la route vers Quiberon, 2 septembre 2011


Je veux te prendre par la main. 
Me souvenir comme c'est bien.



And when I touch you I feel happy inside
It's such a feeling that my love
I can't hide, I can't hide, I can't hide

Yeah, you got that something
I think you'll understand
When I say that something
I want to hold your hand
- The Beatles

Autodestruction



J'ai envie de m'autodétruire à petit feu.
Ça a l'air drôle de mourir lentement.
De sentir le poison s'insinuer dans nos poumons.
Savoir qu'on se tue un peu plus à chaque respiration.
Pour avoir du contrôle? Non. Juste pour le fun.

Et pis, à ce qu'on dit, une cigarette égale cinq minutes de moins à vivre.
J'en aurais des puffs à prendre pour qu'on soit sûrs de mourir en même temps!
Je sais qu'on ne choisit pas sa mort, mais j'aimerais mourir avec toi.

Pas maintenant, non. On a encore le temps.
Mais j'voudrais qu'on soit toujours des enfants.
Quand on va sentir qu'on devient vieux...
Ce serait bien que la vie décide qu'on en a assez vu.
Qu'on aura été assez heureux.
Qu'on aura assez vécu pendant qu'ils se pognaient tous le cul.
C'est pour ça qu'il faudra faire le tour du monde sans perdre de temps.
Tout vivre et tout voir en attendant.

Mais garde toujours ton coeur d'enfant.
Parce que les adultes sont tous chiants.

mardi 11 octobre 2011

L'attente



J'attends le train de la vie, te souviens-tu à quelle heure il passe? Je n'en peux plus d'attendre. D'attendre d'être à nouveau heureuse alors que, lorsque j'étais près de toi, j'avais et j'étais tout ce que je voulais avoir et être. Pour la première fois, j'ai eu l'impression d'exister, d'être à ma place dans ce monde complètement désaxé. Pour la première fois, j'ai connu le bonheur à tes côtés et j'en ai plus qu'assez d'attendre et de regarder les jours passer en essayant de survivre. Sur le pilote automatique, j'observe les heures et les minutes qui s'écoulent et déboulent en attendant ton retour. Ce décompte jusqu'au seizième jour de décembre m'obsède et mon poisson rouge, complètement perdu au milieu de ces notions mathématiques, me supplie d'arrêter de compter parce que je le rends cinglé. 

Je voudrais seulement que l'on puisse vivre notre rêve maintenant 
au lieu de rêver de vivre en attendant.  
                                                                                       

L'attente, à laquelle je semble être depuis toujours condamnée, pèse lourd sur mon petit coeur et mon poisson rouge est en train de péter littéralement les plombs. Il me menace de faire une fugue et de ne plus jamais revenir si je ne me relève pas; il me crie d'aller me faire soigner dans tes bras à coups de «Je t'aime», de «Ne t'en fais pas»  et de «Jamais tu ne me perdras». À l'étroit dans son petit bocal, il suffoque. 

Je suffoque. Pendant que les mauvaises pensées affamées de mon cerveau grignotent petit à petit les quelques miettes de bonheur que renferme encore mon petit coeur, le noir salit toutes mes couleurs et les entraîne dans le néant de l'oubli. J'oublie. J'oublie le son de ta voix dès la seconde où je ne l'entends plus. J'ai oublié la chaleur de ton corps et l'odeur de ta peau. J'ai oublié ce que veut dire être heureuse et je n'attends que toi pour me rappeler toutes ces sensations que procure le bonheur lorsqu'il est juste là, à l'intérieur de mon petit coeur. Il arrive encore qu'il fasse quelques bonds, lorsque, par exemple, je cite ton nom ou je me rappelle vaguement l'un ou l'autre de nos plus beaux moments. Ces deux semaines n'étaient pas assez, je sais. J'aurais voulu que ça ne s'arrête jamais. J'ai cru, à tort, que ça ne pouvait et que ça n'allait pas se terminer. Mais l'heure du départ a inévitablement sonné. Le 5 septembre 2011, je suis morte à nouveau. 

Depuis, mon corps et mon cerveau sont en veille, maintenus en vie naturellement par mon coeur qui ne bat que pour celui que j'aime/rai toujours. J'ai oublié comment vivre et j'aurais besoin de toi pour me rappeler comment on fait, tu veux bien? Réapprends-moi à respirer entre chacun de nos baisers. Réapprends-moi à me lever, chaque matin, le sourire aux lèvres en te voyant près de moi encore à moitié endormi. Réapprends-moi à marcher en me tenant par la main pour qu'on puisse découvrir le monde ensemble pas à pas. 

Je sais que je suis déprimante. Que je ne suis pas telle qu'il faudrait que je sois. Que je suis devenue négative, bien plus négative qu'avant. Mon coeur se noircit. Ma raison s'éclipse.  Mais, mon chéri, je te remercie d'être encore et toujours là. De continuellement, depuis le premier jour, chercher à ce que je sois bien, avec ou sans toi. Tu es exceptionnel, je ne te le répéterai jamais assez. En nous attendant, je n'ai qu'une seule certitude : je t'aime et je veux vivre avec toi pour toujours. 

Ne t'en fais pas, jamais tu ne me perdras. 

Étincelles


Ne vois-tu donc pas que mes yeux ne brillent que pour toi ?
Je t'aime. Ne l'oublie pas.

Existence éphémère


Il suffit de quelques mots échangés avec toi sur la ligne instable et grésillante qui relie ton portable au mien pour que j'aie de nouveau, pendant quelques secondes, l'impression d'exister. Je n'ai cette sensation fugace de vivre que lorsque je peux entendre le son de ta voix. Promets moi que tu me la laisseras entendre tous les jours de notre vie, je t'en supplie. J'ai besoin de ces insufflations pour arriver à respirer, de ces compressions pour que mon coeur continue de battre. Ta voix emplit mes oreilles de son comme l'air emplit mes poumons. Comprennent-ils, ne serait-ce qu'un minuscule petit bout de rien du tout, à quel point je t'aime, que je souffre et que j'ai besoin de toi? Le comprendront-ils un jour? Non. Jamais. Je meurs à petit feu pendant qu'ils ne voient rien, pendant qu'ils n'entendent rien, pendant qu'ils ne sentent rien. Si je pouvais seulement, ne serait-ce qu'un minuscule petit bout de seconde de rien du tout, leur transférer un infinitième (1/∞) de ma douleur, crois-tu qu'ils nous laisseraient nous aimer en paix? Pour toujours, mon amour? Mens-moi, je te le demande. Dis-moi que nous vivrons ensemble en décembre. Mens-moi, et dis-moi ensuite que ça ne fonctionnera pas, mais que tu m'aimes plus que tout. Mens-moi. Dis-moi que tu viendras et que tu resteras près de moi sans jamais plus partir loin de nous. Je voudrais être forte et tenir jusqu'à l'été. Te dire qu'il faut que tu tentes ce que tu as peur d'affronter et que j'arrive à faire la même chose de mon côté. Je voudrais être la plus forte des amoureuses du monde pour qu'on ne soit pas comme tous ces gens faibles qui arrêtent de s'aimer après quelques temps. Mais je suis faible, mon amour. Me pardonnes-tu? Moi, je te pardonnerai de m'avoir menti. Je te pardonnerai de m'avoir redonné espoir. Quand tu me diras que tu ne peux pas rester, le premier janvier, et que tu dois rentrer chez toi pour quelques mois, je te répondrai que je le savais déjà, mais que j'ai voulu croire. Ce sera ton tour de me pardonner d'avoir été une fausse naïve. D'avoir fait semblant de croire. Mais je préfère faire semblant de croire que de ne rien faire du tout. Je ne te demande que ça. Me redonner à croire. Et tu n'as qu'à me dire : «Ma chérie, je vivrai avec toi en décembre.» Ne promets pas, cependant. Parce qu'une promesse brisée fait plus mal au coeur qu'un mensonge. Je t'aime plus que tout, même si tout le monde s'en fout. Tu es l'homme de ma vie et que ceux qui n'y croient pas aillent se faire foutre. 

mercredi 5 octobre 2011

Une vie de bestiole


Je ne suis qu'une minuscule fourmi dans ce vaste monde.

De la poésie sur Facebook



C'est tellement poétique.
Je t'aime plus que tout, mon mien  

Merci Facebook de nous avoir offert cette étincelle de poésie.

mardi 4 octobre 2011

Mon poisson rouge


Ce matin, mon poisson rouge m'a confié qu'il n'allait pas très bien. 
Je lui ai conseillé d'aller prendre un peu d'air. 

lundi 3 octobre 2011

Le chat et le crapaud


Je me rappelle. Vaguement.
Un soir de septembre.
Nous marchions sous la bruine.
Mi-inquiets, mi-mélancoliques.
Était-ce un rêve? Je ne sais pas.
Sous tes chaussures, le crounche-crounche des escargots.
À droite, sur le muret, le chat et le crapaud.
Aucune bataille n'eut lieu ce soir-là.
Mais nous étions bien, que toi et moi.
Main dans la main.
Ne me dis pas, je t'en prie, que c'était la dernière fois.

mardi 27 septembre 2011

Citation du jour





Lorsque N.C. doit donner un titre à un mail complètement à l'improviste, voilà ce que ça donne :

Carotte farcie avec un écouteur d'ipod dans un boîte de conserve de jus de framboise

Quelle belle image .
Je t'aime . 

Automne



Montréal, tu sens l'automne.




Pour la première fois... 
je te trouve belle.

Et sous l'ocre des feuilles mortes, 
tu seras encore plus magnifique, 
crois-moi.



jeudi 22 septembre 2011

Le bonheur




Hier, tu m'as dit :
«Il faut tout faire en fonction de l'atteinte du b o n h e u r

Ou peut-être était-ce :
«Il faut constamment être à la recherche du b o n h e u r.» 

Je ne me souviens plus trop comment tu l'as dit exactement, mais, quoi qu'il en soit, ces paroles étaient sages. J'ai donc décidé de les noter ICI, mais également dans un coin de mon cerveau, QUELQUE PART où je ne les égarerai pas. 

Mais moi, j'ai aussi entendu d'autres jolis mots, ailleurs, qui disaient :
«Le  b o n h e u r  n'existe vraiment que lorsqu'il est  partagé

Nous étions, nous sommes et nous serons notre  b o n h e u r.

Je t'en prie, ne nous perdons pas sur la route qui nous y conduira.

mardi 20 septembre 2011

Toutes mes condoléances


«On ne vit pas sur la même planète.»

Je déteste ces mots.


Il est futile d'affirmer de telles inepties.

On vit sur la même planète, seulement pas dans le même monde... hélas?
Non. Heureusement.


Vous n'approuvez pas nos rêves? Soit. 
Vous n'arrivez pas à comprendre ? Soit.

Mais N'essayez PAS de DÉTRUIRE ce qui peine déjà à s'envoler.

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« L'  r   t   », dit-on.



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NOUS VIVONS.
VOUS ÊTES MORTS.
Et sûrement depuis longtemps.


Toutes mes condoléances pour vos rêves perdus et échoués 
à tout jamais dans les landes de votre si fantastique désillusion.

dimanche 18 septembre 2011

Toi. Moi. Nous.



Chaque fois que je prends le métro, je vois des gens qui courent à toute vitesse pour rattraper le bonheur qui les fuit constamment. Chaque fois que je marche dans la rue, je vois des couples qui ne s'aiment pas vraiment et qui tentent de convaincre le monde entier que l'amour c'est ça. Mais tu. Mais je. Mais nous ne sommes pas comme eux. 

Nous 

ne sommes pas 

                                                         comme eux.

          Les gens se suivent et se ressemblent, mais tu n'es pas comme eux.
          Les gens se suivent et se ressemblent, mais je ne suis pas comme eux.
          Les gens se suivent et se ressemblent, mais nous ne sommes pas eux.

Tu m' aimes.
Je t' aime.
Nous nous aimons. 

Et ils ne sont rien.

C'est tout.
Et c'est parfait comme ça.

Le reste, 
     on s'en fout

lundi 12 septembre 2011

Les petits crépitements



Les petits crépitements sur la ligne instable qui nous relie ont quelque chose de rassurant, mais aussi d' angoissant

                                                 Ils me bercent le coeur, en passant par mes oreilles, avant d'aller se lover contre mon poumon droit où la terreur se fraie un chemin vers mon intestin, triturant les parois de mon estomac. 

             Au froid, entre deux alvéoles pulmonaires, ils pétillent et sautillent dans un mélange curieux de nostalgie et de bien-être. 

Les petits crépitements me rappellent que ton absence est 

éphémère 

et que très bientôt disparaîtra de mes papilles ce goût de 
fer amer qui enlève toute saveur à ce que j'ingère. 


Lorsque tu m'embrasseras enfin à nouveau, 
                                             le monde s'arrêtera de tourner pour une seconde fois 
et il n'y aura plus que 
                                toi & moi 
                                                                                     au beau milieu d'un océan de 
songes substantiels

Nous resterons comme ça, ensembles, encore des dizaines d'années (imaginaires) à rêver, jusqu'au moment où le cruel réveille-matin de la réalité sonnera. 

Puis, tu repartiras finalement, emmenant ma vie entre tes doigts, la tenant aussi fort que tu pourras pour NE PAS qu'elle s'échappe, pour NE PAS qu'elle glisse et qu'elle éclate en mille petits morceaux de bonheur s'éparpillant sur le plancher de l'apocalypse

Et puis, les petits crépitements reviendront à nouveau, 
                     tantôt angoissants, tantôt rassurants
mais me rappelant toujours qu'au fond, peu importe   
      e r r e n t         mes pensées et quand elles se heurtent aux grattes-ciel du réel, 
tu me portes dans ton coeur comme je te porte dans le mien. 


Et seuls, chacun de notre côté, nous marchons pas à pas vers notre liberté, pendant que nos âmes, exilées de chaque côté de l'océan A, se baladent main dans la main
                                                                                          . . .   a l l è g r e m e n t

mardi 31 mai 2011

Le Paradoxe Raison/Émotion

L'éternel combat de l'émotion contre la raison
Trop de raison dans ce monde
Pas assez d'émotion
Mais l'émotion est dangereuse
La raison, elle, est peureuse
Les gens préfèrent la voie facile
Et arrivés au bout du chemin
Ils regrettent
De ne pas avoir assez osé
De ne pas avoir assez cru en eux-mêmes
Et les regrets
Ce sont les plus grands meurtriers de l'homme
Des tueurs en série
Tueurs de rêves
Tueurs d'espoirs
Tueurs de coeurs
Et tueurs au sens littéral
Les gens ne vont pas tous aussi loin, certes
Mais une fois le coeur mort, je crois que l'homme aussi est mort
Une mort... psychologique ?
Ou spirituelle
C’est comme on le sent
C'est pour ça que je préfère les émotions
Même s'ils font plus mal que la raison
Parce qu'au bout des chemins difficiles, on en sort toujours plus grand

vendredi 20 mai 2011

Asile


Les pensées égarées, les yeux clos, je marche lentement, laissant le bruit de mes pas me guider jusqu’à ma destination. À la manière d’un aveugle, je comptabilise chacun d’eux avec un souci d’exactitude qui frôle la démence. Mille sept cent quatre-vingt dix... Mille sept cent quatre-vingt onze... Mille sept cent quatre-vingt douze. Ça y est, j’y suis. J’ouvre les yeux et constate avec fierté que j’ai, une fois de plus, réussi à la retrouver. Seul digne représentant du soleil en cette nuit sombre et sans astres, le lampadaire qui se trouve de l’autre côté de la rue, unique témoin de ma présence, m’observe stoïquement alors que je m’engouffre dans la pénombre de la ruelle que je souhaitais tant rejoindre.
Cette ruelle. Ma ruelle. Personne n’y vient, sauf moi. Cet entre-deux gratte-ciels est un asile. Mon asile. Son humidité glaciale et sa noirceur d’encre me réconfortent et me soustraient à tous les regards. Aux leurs, aux vôtres. À l’abri des esprits voyeurs, j’y vis. Dans cette ruelle,  heureusement, personne ne peut me trouver ni venir m’embêter. 
Comme toutes les fois où j’y viens, je fais le tour de ma ruelle pour voir, mais surtout pour m’assurer, que rien n’a changé depuis ma dernière venue. Les mêmes ordures y traînent, débordant des poubelles au métal tordu et cabossé. Les mêmes bruits sourds y brisent ponctuellement le silence. Mis à part ceux-ci, je n’y entends que ma respiration et mes pas qui s’étirent et raisonnent en écho dans mon esprit. Les mêmes pierres sont situées à leur endroit respectif, en leur nombre exact et leur orientation est restée celle qui leur est depuis toujours associée. M’arrêtant de marcher, mon inspection des lieux terminée, je constate avec satisfaction que rien n’a changé ni bougé, que personne n’est venu pendant mon absence. Ma ruelle semble être figée dans le temps, jamais altérée, indépendante du monde extérieur.
Le monde extérieur. Au-delà des murs de cette ruelle, ma ruelle, il y a eux, vous. Ça grouille, ça fourmille, ça s’active. S’arrêter ? Non jamais ! Tout doit se passer très vite, trop vite. Et quand je n’arrive plus à suivre ce rythme effréné, cette cadence imposée, ma ruelle est là, toute prête à me recevoir, à m’en préserver. C’est la seule qui arrive à me faire oublier, l’espace d’un moment, cet ailleurs hyperactif. Elle est toujours là à m’attendre, elle me garde une place au frais où je peux enfin relaxer. Respirer. Oublier. Oublier ces obligations étouffantes, ce non-sens accaparant. Y cultiver ma haine envers le monde entier, mais surtout envers mes parents, qui ont été suffisamment égoïstes pour m’y avoir fait naître tout en étant conscients des risques que ça impliquait. La vie me répugne, les hommes aussi. Je préfère de loin ma ruelle, toujours accueillante, toujours calme et paisible. Sa froideur et son obscurité ne m’effraient pas, au contraire. Ce sont deux notions auxquelles le monde extérieur a bien réussi à me préparer. Quand on a si longtemps côtoyé la froideur du coeur des hommes et la noirceur de leurs esprits, une ruelle, la vôtre, ne vous effraie plus. 
Je m'assois par terre, le dos contre un des murs, je fixe l’autre du regard et je fais le vide dans mon esprit. Je suis là pour oublier, après tout. Ma vie n’a pas de sens, il vaut mieux que j’évite d’y penser. Je retrouve enfin la quiétude dans ma tendre solitude. La solitude est un état d’âme et une façon d’être qui me va parfaitement, même si celle-ci comporte son lot de risques.  
Les risques. Une ruelle, la mienne en particulier, comporte bien des risques. D’abord, l’isolement qu’elle procure est si apaisant, que j’y passe désormais le plus clair de mon temps. Rien à faire de mon autre vie. De mon travail ou encore de mes amis. Maintenant, il n’y en a plus que pour ma ruelle. J’ai peu à peu délaissé ce monde trop contraignant, quittant mon emploi (Des questions ? Pas la peine de dire qu’on m’en a posées.) et n’appelant plus mes amis qui ont sûrement fini par m’oublier à force d’appels non retournés. Tant pis pour eux ! Ma ruelle est là, elle. Je m’y réfugie comme un ivrogne au bar avant dix-neuf heures, à la seule différence que ma ruelle, elle, ne ferme jamais. Elle ne ferme jamais, non. C’est pourquoi je compte désormais y rester pour toujours. Ne plus la quitter. Nous resterons seuls dans le noir, loin des regards, elle et moi.
Un dernier coup d’oeil vers la rue me permet d’apprécier encore plus ma quiétude. Soudainement, sans préavis, le lampadaire s’éteint alors que mes inspirations et expirations se font de plus en plus espacées. Plus de lumière? Je n’en ai que faire. Que la noirceur m’avale ! Je m’y sens si bien de toute façon... 
Une ruelle. On en a tous une. Différente et unique. Certaines sont plus larges ou plus étroites, d’autres plus obscures et éclairées, grises ou colorées. Il y a des ruelles secrètes, d’autres découvertes. Il y en a qui sont inhabitées, qu’on a quittées, certaines qu’on a pas encore explorées. D’autres sont habitées, souvent ou plus rarement. Il y en a qui sont surpeuplées, mais là, difficile de s’y retrouver. Nous portons une ruelle en chacun de nous, juste là, dans notre crâne. Entre les deux gratte-ciels de la réalité extérieure qui se dressent de chaque côté de nos têtes, voulant ainsi nous empêcher de penser croche, trop à droite ou trop à gauche. Voulant nous contenir et nous empêcher de vivre ou encore réduire notre imagination et nos espoirs à néant. Mais la mienne est différente. 
Cette ruelle. Ma ruelle. Personne n’y vient, sauf moi. Cet entre-deux gratte-ciels est un asile. Mon asile. Son humidité glaciale et sa noirceur d’encre me réconfortent et me soustraient à tous les regards. Aux leurs, aux vôtres. À l’abri des esprits voyeurs, j’y meurs. Dans cette ruelle,  malheureusement, personne ne pourra plus jamais me trouver ni venir me sauver... 

mercredi 27 avril 2011

Océan - Triptyque de nouvelles [Atelier Littéraire]

OCÉAN

Notre corps est la barque qui nous portera jusqu’à l’autre rive de l’océan de la vie. Il faut en prendre soin.
-Swami Vivekananda



I. VAGUES

Les vagues sont peu de choses au regard de l’océan.
-Claude Lelouch
Les règles étaient simples. Faire le tour du monde en voilier le plus rapidement possible. Sans escale. Sans assistance. Seul.
Rien de moins, rien de plus. 
Un parcours de plus de 24 000 miles sur quatre océans. Ça, c’était la course Vendée Globe, le Vendée Globe Challenge. 
On disait, et on le dit toujours de celle-ci d’ailleurs, que c’était l’épreuve nautique la plus difficile et périlleuse jamais créée par l’Homme. Cette aventure en solitaire autour du monde, à laquelle plusieurs passionnés de la voile rêvaient de participer, représentait effectivement un périple des plus audacieux. Rien à voir avec le Tour de France ou encore les Jeux Olympiques. 
Non. 
Le Vendée Globe se classait dans la catégorie dont font également partie l’ascension du Mont Everest ou encore le célèbre Rallye Dakar, tous deux réputés pour le nombre important de personnes n’étant pas arrivées jusqu’au bout. Causes : l’abandon ou encore la mort. Autant d’épreuves où l’être humain se retrouve, dans toute sa vulnérabilité, face à la force de la nature, des éléments, qui parfois, peuvent se déchaîner sans préavis. 
L’Édition 1996/1997. Le départ avait été fixé le 3 novembre, et moi, Gerry Roufs, 43 ans, je faisais partie des seize concurrents ayant réussi à se qualifier pour la plus grande épopée maritime. Montréalais d’origine et navigateur dans l’âme, il s’agissait de la première épreuve d’envergure à laquelle je participais. Je ne faisais qu’un avec mon voilier; j’avais ça dans le sang, comme on dit. J’étais conscient de ce que ça impliquait et je m’étais préparé. En moi, l’impatience se faisait sentir, j’avais hâte de prendre part à cette aventure pure et simple, de pouvoir montrer au monde entier que je pouvais le faire, mais à moi-même également. 
Dans les éditions précédentes, beaucoup de concurrents avaient abandonné en cours de route, que ce soit par choix ou par obligation, mais j’étais décidé à ne pas faire partie de ceux s’étant inscrits dans l’histoire du Vendée Globe comme ceux ne s’étant pas rendus jusqu’au bout. Pas question de renoncer pour un bris quelconque, à cause d’une blessure ou d’un manque de provisions. J’avais tout prévu. Je triompherais de l’«Everest de la mer», coûte que coûte. 
Il n’y avait qu’un détail qui me revenait parfois à l’esprit mais que je repoussais aussitôt : Nigel Burgess, un Britannique, disparu en mer lors de la dernière édition, celle de 1992/1993, la première nuit de la course, retrouvé mort noyé dans le golfe de Gascogne. 

3 novembre 1996 - Jour 1

Aujourd’hui, c’était le moment du grand départ. C’était, pour bon nombre d’entre nous, l’expédition d’une vie qui commençait. Mon voilier était prêt à appareiller et à franchir une à une les portes qui constituaient le parcours de la course. Lieu de départ et d’arrivée : le port des Sables d’Olonnes, en France. Des centaines de spectateurs s’entassaient sur les quais, fébriles, pendant que les autres skippers et moi attendions le signal de départ. 
Ça y était. Le coup d’envoi avait été lancé.
Mon monocoque de soixante pieds se lança à l’assaut de l’Atlantique Nord alors que je laissais derrière moi les deux femmes de ma vie, mon épouse Michèle et ma fille Emma, pour aller conquérir la troisième : la mer changeante et indomptable. Je n’avais plus que faire de la loi des Hommes, il n’y avait désormais que celle des eaux qui guidait mon coeur, mes actions et mes réflexions. L’horizon ne semblait pas avoir de point d’ancrage, comme moi d’ailleurs, et mon voilier se dirigeait vers lui, confiant, poussé par l’énergie que lui procurait le souffle du vent. 
24 novembre 1996 - Jour 21

La tension était à son comble. 
La mer était agitée et je talonnais de près le concurrent qui était alors en première place. Trois milles, voilà tout ce qui nous séparait. Derrière moi, je pouvais apercevoir un autre skipper se battre contre les flots déchaînés. Je jettais fréquemment un coup d’oeil par-dessus mon épaule pour voir où il en était, mais pas trop souvent. Je devais rester concentré, tenir fermement le safran et conserver l’équilibre, parce que le voilier tanguait dangereusement et que les vagues me heurtaient de plein fouet. Un simple instant de distraction, un regard trop prolongé vers l’arrière et une catastrophe aurait pu survenir. De nouveau, on annonça l’abandon d’un concurrent à la radio. Encore ? Ah, franchement, c’est pas du jeu ça ! C’était déjà le troisième. Mauvaise préparation, présumai-je. Mais ce n’était pas mon cas. 
Loin de là. 

12 novembre 1996 - Jour 39

Tout était calme.
L’océan se reposait après son agitation des derniers jours. Je flottais entre ciel et mer, fidèle au poste, mais le vent n’était pas de la partie en cette nuit étoilée. Je dérivais lentement, porté par les vagues et j’écrivais, couché dans mon lit qui se trouve dans la cabine du voilier. Où en étaient les autres? Le vent leur avait-il causé eux aussi des ennuis? Désormais, une bonne distance nous séparait les uns des autres. L’Océan Indien ne voulait apparemment pas que nous nous liguions contre lui. Habituellement, lorsqu’on croisait un autre des voiliers du Vendée Globe, ça nous redonnait l’énergie nécessaire pour poursuivre la route, ça nous remettait dans l’esprit de la course. La compétition était féroce : on était tous dans le même bateau après tout (des monocoques IMOCA, pour être exact), habités par la même passion du voyage et de la navigation. Mais à cette étape de la course, même les allers et venues des équipes de télévision se faisaient moins nombreuses et fréquentes.
La solitude commençait à se faire sentir. 
Tels les premiers explorateurs, j’avais réussi à franchir le Cap de Bonne Espérance sans accroc. Je n’étais cependant pas à la recherche d’or et d’épices, je partais à la conquête du globe, tel un Phileas Fogg d’une autre époque qui n’aurait utilisé que la voie maritime pour son tour du monde en 80 jours.
La solitude. L’alliée du navigateur solitaire qui peut vite devenir son ennemie la plus cruelle. Ma femme et ma petite fille me manquaient, d’autant plus que Noël approchait à grands pas. 
Non ! 
Je ne devais pas y penser. Je devais focaliser. 
Mon objectif : rallier les Sables d’Olonnes le plus rapidement possible. 
Mais cette nuit-là, le vent n’était pas de la partie et je dérivais lentement, porté par les vagues, à la merci de mes songes ... 



7 janvier 1997 - Jour 66

«Les vagues ne sont plus des vagues, elles sont hautes comme les Alpes!»
Ça, c’était moi lors de mon dernier contact radio avec les organisateurs du Vendée Globe. Mon prochain objectif était de passer le Cap Horn, au sud de la côte chilienne, mais j’ai été pris dans une tempête d’une rage que je n’aurais jamais cru possible. La pire d’entre toutes depuis mon départ. J’étais classé en deuxième position, juste derrière Christophe Auguin. Je ne sais pas s’il s’en est tiré, mais ici, ça ne pourrait aller plus mal. L’Océan Pacifique tient à me prouver qu’il n’est pas aussi sage qu’on le dit et que j’ai eu tort de croire que j’aurais pu le soumettre à ma petite volonté de navigateur. Je ne suis qu’une fourmi, minuscule, impuissante, et la mer, cette géante indomptable, ne fera qu’une bouchée de moi. Les vagues fracassent mon voilier, autrefois si fier et confiant. Désormais, il n’est qu’un pion sur le vaste échiquier du monde et la reine, puissante et d’une cruauté inouïe, s’apprête à le mettre hors course. Mais il se battra jusqu’au bout, et je le suivrai, quoi qu’il advienne. 
*

Mes dernières coordonnées enregistrées : 55°01.30’S  et  124°22.5’W.
À la suite de mon silence mon silence radio, le message de ma disparition a été lancé aux autres concurrents. Certains, étant dans les parages, ont attendu l’accalmie de la tempête pour quadriller le secteur, en vain. Je n’y suis pas arrivé, vous le devinerez. On en parla aux informations et le monde fut un instant ébranlé. Un instant. Ma vie dans la grande histoire de l’Humanité. Un minuscule petit instant. 
La coque retournée de mon voilier, en lambeaux, a été retrouvée le 16 juillet 1997, au large des côtes du Chili et d’autres morceaux ont été recueillis sur l’ile Atalaya, au sud du pays en question. 
Mais mon corps ne fut jamais repêché. La mer me garde jalousement dans ses entrailles, parmi ses autres trophées, ces autres orgueilleux qui ont cru qu’ils pourraient la vaincre. Christophe Auguin, lui, a terminé premier, après cent cinq jours passés en mer. Décidément, il n’y aura pas que moi que le mauvais temps aura contraint. 
Les conditions de ma disparition resteront donc à jamais mystérieuses pour le reste du monde. Je me suis noyé, tout simplement. L’air de mes poumons a été subitement remplacé par l’eau salée de l’océan. À jamais on dira de moi que je suis disparu en mer, mais la réalité, c’est qu’elle m’a arraché à la vie. Je prie le ciel que ma fille et ma tendre épouse puissent un jour me pardonner de les avoir abandonnées pour l’insondable et attirante mer en furie. 
Décidément, j’étais bien loin d’avoir tout prévu... 







II. MARÉES

Les verres d’eau ont les mêmes passions que les océans.
-Victor Hugo
Aujourd’hui est une journée comme les autres ... ou presque. Elle sera similaire à toutes les précédentes, mais pas pour lui, pas cette fois. Parce que personne ne se doute, ni ne se doutera de rien, sauf lui. Il tout calculé et planifié : tout devrait se passer comme prévu.
Couché ans dans son lit, il repasse les unes après les autres les étapes de son plan afin d’être certain d’avoir tout mémorisé. Surtout, ne pas oublier le principal : focaliser. Une fois la révision effectuée, il s’extirpe des couvertures discrètement en prenant soin de ne pas réveiller sa femme qui dort paisiblement à ses côtés. Comme tous les matins, il se dirige d’abord vers l’entrée où, il le sait, l’attend sagement le journal d’aujourd’hui, juste là, derrière la porte. Une main sur la poignée, une flexion du poignet et s’ouvre devant lui son petit quartier encore silencieux recouvert d’une épaisse couche de neige immaculée. Le soleil timide lui laisse entrevoir ce calme habituel de matinée hivernale. Il aspire une bouffée d’air frais et, une fois contenté par cette vision apaisante, il baisse les yeux en direction de l’emplacement exact où il s’attendait à trouver le journal qui, justement, y est et ne souhaite probablement qu’être lu. Il s’en saisit et, refermant la porte derrière lui pour regagner la chaleur sécurisante de son foyer, il met le cap sur la cuisine. Il dépose le journal frigorifié sur la table, le temps de le laisser réchauffer, avant de commencer, comme tous les matins, la préparation du petit déjeuner. 
Alertée par ses préparatifs matinaux, sa femme vient bientôt le rejoindre, le visage figé dans sa moue habituelle. Elle le dévisage un instant avant de lui lancer : 
  • Des oeufs ? Encore ? Bravo pour l’originalité ! Ah oui pis ... en passant, merci de m’avoir réveillée, conclut-elle avant de s’échouer sur cette chaise où elle se plaît tant à épier mes faits et gestes. 
Étant désormais immunisé contre ses remarques cyniques, il ne répond rien, sachant qu’en rajouter ne ferait que lui donner une raison de plus de s’emporter. Et puis, après tout, il ne veut pas laisser cette mauvaise humeur ambulante ruiner son enthousiasme actuel. Il lui sert donc son repas et s’attable ensuite devant le sien. Elle avale à peine deux bouchées et, faisant mine d’être pressée, abandonne le tout sur la table pour aller se préparer en vitesse. Il mange lentement pendant qu’il l’entend vociférer à propos de tel ou tel truc qu’elle ne trouve pas, rejetant, bien entendu, la faute sur lui, qui reste muet, subissant ses attaques verbales dans le silence le plus complet. Quelques instants plus tard, il la voit passer en courant vers la porte d’entrée qu’elle claque avant de rejoindre son automobile qui quitte finalement le stationnement en vrombissant comme elle le fait toujours. 
Enfin, il est seul !  Il se lève, ramasse les assiettes, vide les restants d’oeufs dans la poubelle, et les pose dans l’évier vide. Il ouvre le robinet qui laisse couler l’eau à un débit suffisant pour rincer les assiettes jaunies sans qu’il n’ait à intervenir. Laissant le liquide transparent effectuer son travail, il reprend le journal, désormais à une température idéale pour la lecture, exactement où il l’avait laissé plus tôt. Rapidement, il feuillette cette édition peu volumineuse du 8 janvier 1997 et ses yeux se posent sur un fait divers rapportant la disparition d’un dénommé Gerry Roufs en mer. 
  • Eh bien, se dit-il alors à lui-même après avoir parcouru l’article, il en a d’la chance celui-là ! 
Une fois sa lecture en diagonale effectuée, il retourne à ses assiettes, désormais libérées de toutes leurs impuretés, et il referme le robinet qu’il essuie en guise de récompense pour service rendu. Il se dirige ensuite vers la salle de bain où il prend une bonne douche tiède et se brosse consciencieusement les dents. Une fois propre, il s’habille de ses plus beaux vêtements, comme le voulait son plan, tout en n’omettant pas de ranger les multiples articles que sa femme a étalés sur le plancher. Un petit tour rapide de la maison pour vérifier que tout est en place et voilà, il est presque prêt. Sauf qu’aujourd’hui il ne va pas travailler, il a un rendez-vous important avec mon amante, ici, à dix heures précises. 
Mais avant, il doit exécuter son plan afin que tout soit parfait. Il vérifie que la porte d’entrée est déverrouillée et il laisse une note sur la poignée disant : «Je suis au sous-sol, viens m’y rejoindre ma chérie.» Il se dirige ensuite vers l’endroit indiqué sur ladite note, lentement, afin de faire le vide dans son esprit. 
Il en a marre. Marre de sa femme qui l’emprisonne dans son négativisme étouffant. Marre de son travail stressant et de ses dettes qui le noient de plus en plus chaque jour. Marre de cette vie routinière qui n’en finit plus, où l’habitude est reine et où il n’y a pas d’échappatoire... sauf une. Eh non, ce n’est pas son amante, puisqu’elle est encore pire que sa femme. Telle un parasite, cette sangsue a sucé son argent jusqu’au dernier de ses sous, en voulant toujours plus qu’il ne pouvait lui en offrir, pauvre épave qu’il est qui tentait désespérément de continuer à flotter en achetant chez une autre cet amour que sa femme ne voulait plus m’accorder. 
Mais tout est enfin prêt et sa porte de sortie est là. Elle pend du plafond, telle un appât alléchant placé là par le Seigneur. Elle l’attend, prête à le sauver de la noyade, à le repêcher de l’océan du désespoir. 
Il monte sur le tabouret, les jambes tremblantes. 
Le moment est arrivé, la libération approche. 
Il passe la corde autour de son cou. 
Le vide est enfin fait, c’est vrai, je peux partir en paix. 
Tout est en place et personne ne se doute, ni ne se doutera de rien, sauf lui, jusqu’à la fin. Il prend une grande respiration et pousse enfin le tabouret qui s’écroule sur le sol alors que la corde se resserre subitement autour de sa gorge, bien plus violemment qu’il ne l’aurait cru. Il sent l’air quitter ses poumons pour ne plus jamais y revenir et il souffre pendant les quelques secondes où son corps lutte pour survivre. La mort s’insinue lentement en lui alors que ses membres se raidissent et que ces dernières pensées fusent dans son esprit : Je cherchais à fuir l’étouffement alors que c’est précisément ce que je m’inflige à l’instant. 

Décidément, il était bien loin d’avoir tout prévu... 








III. ABYSSES

Il faut croire aux étoiles. Tes angoisses et tes tourments ne sont qu’un grain de sable, qu’une larme dans l’océan. 
 -Richard Anthony
Noir. Il fait noir. Comme dans les abysses profondes de l’océan. C’est silencieux aussi : je n’entends aucun bruit. Cette absence de particules lumineuses et d’ondes sonores a pour moi quelque chose de rassurant. Suis-je dans un rêve ? Je ne sais pas. Enfin, sûrement pas, puisque je ne capte aucune image. Est-ce seulement la nuit qui dérobe à mon regard tout point susceptible de me servir de repère? Si c’est le cas, pourquoi n’entends-je pas ma respiration? Pourquoi ne puis-je pas sentir les battements de mon coeur? Quelle étrange sensation. Je devrais paniquer pourtant, non? Mais je suis si calme. J’essaie de me remémorer comment je suis arrivée là. Un petit effort du côté de la mémoire, mais non. Rien ne me vient. Qu’aie-je fait hier? Je ne me souviens pas non plus. Et d’ailleurs, je n’arrive même pas à me rappeler mon nom. Curieux ou inquiétant? Ça m’est égal au fond. Je flotte... Je vogue... Je dérive dans le noir. Et dans le silence aussi. Et si j’essayais de crier? De faire un peu de bruit? Impossible. Je ne saurais trop dire pourquoi, mais cela est impossible. C’est mon cerveau qui me l’a dit. Ma bouche, m’ordonne-t-il, restera fermée. D’accord. Je veux bien obéir. De toute façon, je n’en ai que faire. Pourquoi cette indifférence? Ça m’est égal. Un point c’est tout. Un tout petit point de lumière. Tiens, je vais nager vers lui. Lentement, puisque je ne peux faire autrement. Au fur et à mesure que je m’en approche, si d’ailleurs il est possible de s’en approcher comme je tente de le faire, le point lumineux s’éloigne. Je me meus dans l’espace qui semble s’étendre à l’infini, dans le noir, bercée par une solitude tranquille. J’accélère mes mouvements. Vite, vite, voyons si je peux nager plus vite que la lumière. Mais il semble que non. Elle s’éloigne, puis disparaît. Dans le noir. Pourquoi cette petite lueur est-elle venue me narguer? Pourquoi se montrer si c’était pour ensuite s’éloigner et s’effacer? Je continue de nager dans l’espoir de la retrouver. L’espoir, c’est ce qu’elle m’a donné pour ensuite me le ravir, mais je n’abandonnerai pas. Je n’abandonnerai pas ma recherche, mon ... combat? Quel étrange mot. Combat. Suis-je en train de me battre? Contre quoi? Pourquoi? Ah, tiens ! Le revoilà ! Le point de lumière est plus grand maintenant. De la grosseur d’une tête d’épingle, il est passé à celle d’un beau soleil de midi. Je m’arrête pour l’admirer. Il brille. D’abord un peu, puis de plus en plus fort. Je tente de protéger mes yeux, mais, une fois de plus, mon cerveau intervient. Mes mains ne m’obéissent pas, mes paupières non plus. Au moment même où je constate qu’il n’y a aucun moyen de me soustraire à cette agressante lumière, je remarque que celle-ci semble s’approcher de plus en plus vite, grossissant au fur et à mesure que la distance qui nous sépare s’amenuise. Un instant plus tard (ou des heures, qui sait ? le temps n’étant qu’une notion floue et subjective là où je me trouve), je me noie dans cette violente lumière. 
Mes pupilles mettent un moment à s’y habituer, mais une fois l’ajustement effectué, je me retrouve dans une chambre baignée de lumière. Une chambre... d’hôpital? Qu’est-ce que toute cette histoire? Avais-je une chirurgie au programme? Confuse, je cherche une bouée à laquelle m’accrocher, balayant rapidement la pièce du regard. Soulagement. Ma mère est là, assise près de la fenêtre. Elle ne me regarde pas. Elle semble triste. Inquiète, j’ouvre la bouche et laisse échapper un timide «Maman?» dans une voix qui ne ressemble pas à la mienne. Sursautant, l’interpellée s’écrie, apparemment étonnée et soulagée : 
-Marianne ?! Oh seigneur ! On a cru que t’allais arrêter de te battre. Tu peux pas savoir combien j’suis contente de te voir ma fille ! 
Ah oui ! Je me souviens maintenant ! Marianne, c’est bien mon nom. 
Éclatant en sanglots, elle s’approche de mon lit et m’entoure de ses bras. Sentiment rassurant. Bien plus que la noirceur. Bien plus que les silencieuses abysses des ... limbes? Vite, vite, elle appelle un médecin. Aussi vite que j’essayais de nager plus tôt, aussi vite que j’ai roulé, l’autre soir, sur la route enneigée. Le médecin arrive, aussi vite que j’ai percuté l’automobile qui arrivait en sens inverse. Les images fusent. J’ai envie de crier, mais je me tais. 
Vérifications d’usage. 
Il paraît que mon cerveau n’a pas trop été endommagé. Je rentrerai chez moi d’ici deux mois, dit-il. 
Mais que s’est-il passé après la collision? Comment s’est terminée cette soirée du 8 janvier 1997? Le médecin ayant quitté la pièce, je questionne ma mère qui a séché ses larmes. Ils l’ont appelée, me dit-elle, au beau milieu de la nuit pour lui annoncer que j’avais été transportée d’urgence en ambulance. Elle a été secouée, même si elle soutient que le mot n’est pas assez fort pour exprimer ce qu’elle a alors ressenti. Comme si on lui avait scié les jambes. Comme si on l’avait poignardé dans le ventre. Son coeur a arrêté de battre, probablement au même moment que le mien. On a dû me réanimer. J’avais arrêté de respirer. Elle m’a retrouvée quelques heures plus tard, après les interventions d’urgence, inconsciente, couchée dans des draps blancs (paradoxal, vu la noirceur dans laquelle j’étais plongée). On lui a dit que je ne me réveillerais peut-être pas et que si j’y arrivais, que je me battais avec force, je ne m’en sortirais peut-être pas sans... séquelles permanentes. Après qu’elle ait prononcé ces deux derniers mots, je vois deux grosses larmes couler sur ses joues blêmes. Pour la rassurer, je lui dis de cette même voix qui m’apparaît étrangère : 
-T’en fais pas maman, je me suis battue et j’ai vaincu. Je suis là. Je partirai pas. 
La tristesse semble quitter son visage pour faire place à la haine alors qu’elle me lance : 
-Voudrais-tu m’expliquer quelle idée t’es passée par la tête pour que tu décides de prendre le volant, totalement ivre, un soir de tempête?
Ses derniers mots se perdent dans le silence de la pièce. Je ne sais trop quoi répondre, puisque je ne m’en souviens pas. 
-Marianne, je sais pas si tu réalises ce que t’as fait... Mais l’autre conducteur... Il a pas eu autant de chance que toi... 
Dans le mutisme le plus complet, j’encaisse cette déclaration qui s’écroule comme un mât sur ma tête.
Tout était prévu pour la soirée du siècle. De... mon siècle. Une soirée entre amis, dans un bar branché de la ville la plus proche.

Je me suis baignée. Baignée dans l’alcool et noyée dans l’ivresse, le tout, en une seule soirée. Celle de mes dix-huit ans. Ça ne vient qu’une fois dans une vie, nous dit-on. Mais une vie vaut bien plus qu’un seul instant. Je le sais maintenant.  
Décidément, j’étais bien loin d’avoir tout prévu... 
La vie est si imprévisible. C’est pourquoi il faut profiter de chaque moment qu’il nous est donné de vivre. Réfléchir avant de poser des actes aux conséquences potentiellement irréversibles. Cette épreuve sera difficile, je le sais. Mais je compte bien me prendre en main et refaire surface après cette éprouvante noyade. Je vais plonger à fond dans l’océan de la vie, faire face aux marées, affronter les vagues déferlantes et surtout éviter de sombrer à nouveau dans les obscures abysses silencieuses.